Droit social : droit du travail et droit de la Sécurité sociale

Contrôle concret de conventionnalité du barème Macron : état des lieux d’une jurisprudence en construction

Loin de se tarir, le contentieux relatif au barème Macron s’est renouvelé devant les cours d’appel. Le débat judiciaire s’est déporté sur le contrôle concret de conventionnalité. Un arrêt en particulier attire l’attention. La cour d’appel de Bourges écarte l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail après avoir constaté l’existence d’une atteinte disproportionnée au droit à une indemnité adéquate du salarié.

 

« Le contrôle de conventionnalité, exercé de façon objective et abstraite sur l’ensemble du dispositif conduit par conséquent à conclure, peu important la situation de M. T., à la conventionnalité de celui-ci.

Pour autant, lorsqu’un licenciement est injustifié, le contrôle de conventionnalité ne dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché, en l’occurrence l’indemnisation intégrale du préjudice qu’il a subi.

(…)

Eu égard à son âge, 59 ans, et à la difficulté qui en résulte pour lui et dont il justifie de retrouver un emploi dans un marché du travail en tension, l’application des dispositions précitées de l’article L. 1235-3 du Code du travail porte en l’espèce une atteinte disproportionnée à ses droits en ce qu’elle ne permet pas l’indemnisation intégrale de son préjudice. Elle contrevient pour ce motif aux dispositions précitées de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT. »

CA Bourges, 6 nov. 2020, no 19/00585

 

Sur ce même fondement, la formation départage du Conseil de prud’hommes de Nantes a écarté  l’application du barème Macron : « Il y a donc lieu, en l’espèce et au vu de l’appréciation in concreto, d’aller au-delà du plafond du barème afin d’ordonner le versement d’une indemnité adéquate. »

Conseil de Prud’hommes de Nantes, 5 février 2021, n°20/00025

 

La cour d’appel de CAEN effectue également un contrôle in concreto du barème Macron afin de déterminer si, en l’espèce, l’application de celui-ci ne porte pas atteinte au droit du salarié de percevoir une indemnisation adéquate : « Néanmoins, la mise en œuvre concrète du barème de l’article L. 1235-3 ne saurait créer une atteinte disproportionnée au droit à une réparation adéquate reconnu par la convention précitée. » Dans cette affaire, la Cour n’a pas caractérisé une atteinte excessive au droit à une réparation adéquate et a donc appliqué l’indemnisation prévue par le barème.

CA de Caen , 28 janvier 2021, n°19/02719